Septième sous-sol : cachot blindé

Khaïl et Aranwë furent jetés sans ménagement sur le sol de la cellule. Durant tout le trajet, ils avaient été bringuebalés comme des sacs de pomme de terre, roulant d'un bout à l'autre de l'avion dans lesquels on les transportait, sans pouvoir rien y faire avec leurs mains attachées par des menottes de plastique et de fibre de verre, impossibles à découper.
Lorsqu'on leur enleva le sac qu'ils avaient sur la tête, ils détaillèrent les lieux. Sombre et étroide, la prison n'avait pas servi depuis des lustres. Vu à quel point il se sentait mal, Khaïl estima qu'ils étaient au moins cinquante mètres sous terre.

La porte de la cellule se referma, et le garde s'éloigna. Des caméras, un peu partout, les surveillaient en permanence. Aranwë se redressa avec difficulté, les bras meurtris des coups que leur avaient administrés les soldats.
Il s'assit sur l'unique banc de la cellule et releva sa capuche, le visage sombre.

Khaïl préféra rester assis par terre. Il jeta un coup d'oeil au caméra, qui n'étaient pas équipées de micro. Les prisonniers devaient tellement raconter d'idioties parfois...

"Elle m'a dit qu'ils avaient Khan."

Un frisson parcourut le Lycan. Il voulut chasser de son esprit l'image de la fée, mais soupira, résigné :

"Khan... C'est son fils."

Ce fut au tour de Khaïl d'être choqué. Il ne connaissait pas spécialement bien Ishtar, mais l'avait vue quelques fois. Il ne connaissait pas non plus avec précision la nature de sa relation avec Aranwë. Mais jamais il n'aurait pu croire qu'elle avait un enfant.

Et elle avait agi comme telle. Une mère qui ferait tout pour qu'on lui rende son fils...

"Les autres sont..."
"Dehors. Libres. Et elle aussi. Et nous? On nous jette dans une cage comme un chien dans un chenil !"

Il s'était levé et avait hurlé sur les derniers mots. De rage, il donna un coup sur les barreaux, qui lui délivrèrent une décharge électrique. Il retira sa main précipitamment avec une grimace. Ce n'était qu'un avertissement.

Il se rassit, et soupira. Qu'est-ce qu'ils pouvaient bien faire?

Khaïl réfléchit longuement à la situation. Mettant de côté les révélations et les tumultes de ces derniers temps, il se concentra sur un plan. Aranwë, malgré un véritable choc, avait déjà échafaudé des bonnes idées.

"-Tu m'avais dit que tu pouvais te transformer en ce que tu voulais pendant quelques minutes non ?"

"-Exact."

"-Et il y a pas moins d'une dizaine de gardes postés derrière ces caméras, surtout quand certains prisonniers sont les plus grands chefs de la Mafia ?"

"-Exact."

"-Bon. Voilà mon plan. Je vais détruire la caméra, ça va les alerter. Ils vont devoir nous faire sortir pour la remplacer. Une fois hors de la cellule, débrouille toi pour te transformer en petit gamin (il eut un pincement au coeur en prononçant ces mots) pour que tu puisses te délivrer des menottes. Moi, de mon côté, je deviens un loup. Je les assommerai, et on sortira ensuite."

"-Tu connais la sortie ?"

"-Pas du tout."

Le plan n'était pas le meilleur qu'ils eurent trouvé, mais ils ne pouvaient pas en faire autrement.

La caméra étant placée en haut du mur, Aranwë dut modifier sa main afin de posséder les griffes longues et acérées des loups garous. Une fois fait, la destruction de la caméra fut des plus aisée. Khaïl se tenait dans un coin, se concentrant sur sa prochaine transformation. C'était une question de rapidité.

Les gardes furent devant la grille en quelques minutes seulement. Le système d’électricité fut désactivé afin de faire sortir Aranwë et Khaïl. C'était maintenant que cela se passait. Quand Khaïl entendit le "clic" des menottes, il n'eut même pas besoin de regarder Aranwë pour comprendre le signal. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Khaïl prit l'apparence d'un petit garçon aux cheveux rouges, et aux grands yeux verts. Les menottes tombèrent à terre dans un bruit sonore. Puis c'est Aranwë qu'on entendit... grogner. Petit-Khaïl jeta un coup d'oeil furtif avant de se mettre à courir.

C'était maintenant un grand loup noir qui avait pris la place d'Aranwë. Avec des yeux à vous glacer les sangs. Il avait la taille d'un homme. Il saisit à la gorge un des gardes et l'envoya (du moins son corps séparé de la tete) sur la troupe. Khaïl avait repris une forme normale. Ils commencèrent à courir dans les dédales des couloirs. Mais voilà, Khaïl était trop lent. Aranwë le stoppa en se posant devant lui et en se baissant.

*-Montes.*

La voix d'Aranwë résonna dans la tête de Khaïl. Il grimpa, et sortit son arme. Il s'accrocha aux poils, et Aranwë se remit à courir.

Il fallait à tout prix sortir de là.

Khaïl avait repris son apparence de gamin pour monter sur Aranwë, afin de ne pas trop le ralentir. Maintenant, ils couraient dans un dédale de couloirs pour trouver la sortie. Qui évidemment n'était absolument pas à cet étage...

Ils poussèrent une porte qui menait sur une volée d'escaliers, et chacun reprit sa forme humaine pour les monter quatre à quatre. Ceux-ci avaient l'air plutôt délabrés, ce qui expliquait l'absence de caméras sur les murs en béton délavé.

Ils avaient deux étages d'avance sur les gardes, ralentis par leur matériel et leurs armes. Ils entendirent une porte s'ouvrir au-dessus d'eux. Ils se concertèrent du regard, et s'entendirent d'un coup d'oeil.

Ils foncèrent dans le tas. Les soldats, apparemment deux jeunes recrues, n'avaient pas eu vent de leur évasion, et étaient là en amoureux, cachés de la vue de tous. Aranwë et Khaïl leur tombèrent dessus et, sans prévenir, les assomèrent proprement. En quelques secondes ils les avaient dépouillés de leurs badges. Les gardes derrière eux se rapprochaient.

Ils sortirent à l'étage d'au-dessus, sous leur forme humaine. Ils entrèrent dans la première salle qu'ils virent, sur leur droite, et barricadèrent la porte derrière eux. Restait à espérer qu'il y avait une issue... Mais il y en avait toujours.

"Aranwë... Je crois qu'on a trouvé le jackpot."
"Hm? ...Oh. Ouah."

Ils se trouvaient dans un immense dépôt. Sûrement pour les mauvaises fabrications, les armes défectueuses ou les tenues avec un défaut. Un immense hangar, avec plusieurs étages accessibles par des escaliers métalliques sur les côtés de la salle, s'étendait devant eux.

Ils supposèrent qu'il faisait nuit, puisque peu de gardes patrouillaient. Aussitôt, Khaïl et Aranwë se transformèrent, l'un en un petit garçon a l'air effrayé, l'autre en un immense loup noir.


Ils s'approchèrent discrètement du premier garde, de dos. Celui-ci mourut sous les crocs du loup sans un bruit. Khaïl récupéra le pistolet et le silencieux, belle affaire.


Ils montèrent les escaliers sans bruit, explosant une caméra au passage sans qu'elle ne les repère. Il fallait faire vite. Khaïl tira sur un garde, dans la poitrine. Le faible râle qu'il émit en mourant en attira pourtant un autre, qui s'apprêta à donner l'alerte... Quand Aranwë surgit derrière lui, tranchant sa gorge de ses griffes effilées.

Ce fut le moment de la débandade. Le deuxième garde avait commencé à crier. Khaïl et Aranwë continuèrent de monter dans les étages, pour arriver au rez-de-chaussée à tout prix, en espérant que les portes n'aient pas été verrouillées et barricadées... En bas, les gardes commençaient à essayer de défoncer la porte.
Des tirs fusaient un peu partout autour d'eux, mais Aranwë avait saisi un fusil à pompe dans un container d'armes et les tuait sans relâche, les uns après les autres. Khaïl faisait des ravages avec son pistolet... Enfin, sept ravages. Nombre de balles très, très limité à vrai dire...


Ils s'étaient remis à courir lorsque le fusil à pompe avait manqué d'exploser dans les mains du loup-garou, qui l'avait balancé sur le soldat le plus proche. Ils grimpèrent à une échelle, pour se retrouver dans un bon vieux circuit d'aération. SANS caméra, évidemment.

Le problème, c'est que Khaïl, sous sa forme d'enfant, passait très bien, mais pas Aranwë, humain ou loup. Les gardes arrivaient. Une balle ricocha près de leurs têtes, et vint percer un tuyau non loin. Une petite fontaine d'eau jaillit.

Il ne restait plus beaucoup de temps. Aranwë tira sur les quelques soldats qui les avaient suivi. Il jeta un regard désespéré vers le conduit d'aération.

"-Il faut que tu trouves un autre chemin, mais ça risquerait d'être trop dangereux de se séparer.."

Le chef de Stoona jeta un coup d'oeil vers l'eau qui jaillissait à toute vitesse du tuyau. Il n'avait plus le choix.

"-Ecoute moi bien Khaïl...." Il le saisit à la gorge et planta son regard dans le sien.

"-Put... Mais t'es devenu barge ou quoi !?"

"-Ecoute moi bien ! Ce que tu vas voir, tu ne le répètes à PERSONNE, c'est compris ???"

"-Voir QUOI ?!"

Il lâcha prise, et commença à se déshabiller. Il se dit qu'il allait sûrement trouver des armures des soldats quelque part. Il ne garda que son boxer. Ses muscles étaient tendus.

"-Quelle musculature ! C'était ca ? Bon sang, Aran, on a plus de temps !"

Il ne l'écouta pas et se dirigea vers l'eau.

*Glacée, en plus...*

Ce qui arriva ensuite... Aranwë était maintenant trempé. Ses cheveux lui collaient au visage. Mais voilà... Khaïl crut halluciner. Aranwë changeait et rétrécissait sous ses yeux !...

"-Je rêve... Dites-moi que je rêve ! Aranwë ?..."

Maintenant, c'était un petit garçon, sûrement âgé de 8 ans, tout au plus, qui se tenait sous le jet d'eau.

"-Je t'expliquerai plus tard..."

L'enfant-Aranwë prit un grenade qu'il dégoupilla et lança près de la porte. Au moins, les soldats seraient ralentis. Il s'empara d'une dague sur un cadavre, vu qu'on leur avait pris leurs armes. Il déchira sa capuche, qu'il fourra dans son boxer. Il fit un signe à Khaïl, pour lui dire qu'il était temps de partir.

Ils s'engouffrèrent tous les deux dans les conduits. Au bout d'un certain temps, on ne sut dire combien, Khaïl brisa le silence.

"-Tu veux bien tout me dire ?"

Aranwë et lui, assez petit pour s'asseoir dans ce conduit, s'arrêta et planta son regard dans les yeux écarquillés de Khaïl.

"-Hum... Généralement, à Stoona, je prends des pilules toutes les 5 heures... Disons que grâce à elles, j'évite de me transformer en môme quand je touche de l'eau. Mais là.. Je ne pensais pas que j'allais en avoir besoin.. D'un côté c'est pas plus mal, pas vrai ?"
Il eut un sourire gêné. Il cachait sa honte. Personne, à part Ishtar, et certains scientifiques, le savaient. "Je ne peux pas toucher de l'eau, ni en boire, sans rester moi-même. Je redeviens.. "ça." "

Khaïl écouta son histoire avec toute son attention. Mais c'est bien par un éclat de rire d'enfant, bruyant et sonore, qui sortit de sa bouche à la fin. Et c'est bien par un coup de poing qu'il eut sa réponse. Puis, ils se regardèrent. Deux gamins, un aux cheveux rouges, et l'autre aux cheveux blancs. Aranwë, enfant, avait un air malicieux et sournois dans son regard. Ses cheveux étaient courts, hirsutes. Dans son boxer, il paraissait frêle.

"-De toute façon on peut pas rester là... N'empêche, ce que tu es mignooooon comme ça !" Et Khaïl repartit dans son rire horrible.

Et c'est après un autre coup de poing qu'ils repartirent.